Mic-Mac

Mic & Ma'c

Dimanche 20 octobre 2013 à 12:16

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Quand on entend le nom de Vanessa Carlton, on pense directement à son unique tube interplanétaire "A Thousand Miles", matraqué sur les ondes en 2002, et qui a (hélas) de ce fait beaucoup aidé à confiner la jeune artiste au rang des étoiles éphémères. Pour les langues les plus fourchues, son image est définitivement rattachée à celle d'une minette à la voix acidulée, qui interprète une ballade bien couverte par une réalisation bien léchée et au moyen d'un piano monté sur roues faisant le tour des Etats-Unis, sommet de mièvrerie absolu.

C'est réellement dommage car le talent de Vanessa lui aura justement permis au fil des ans de se démarquer d'autres chanteuses plus strictement grand public. Née le 16 août 1980 à Milford en Pennsylvanie, nièce du guitariste de jazz Larry Carlton, hésitant jusqu'à la fin de l'adolescence entre la musique et la danse classique, elle part en fait d'un album relativement bon et tout autant impersonnel (Be Not Nobody, contenant le fameux "A Thousand Miles"), car subissant encore l'influence du producteur Ron Fair, clef de voûte d'une première expérience en demi-teinte. Un déséquilibre s'installe entre ce succès énorme et un profond malaise sur le plan artistique. Fair est toujours présent sur Harmonium, le deuxième album paru en 2004, mais la chanteuse tient à cette oeuvre comme faire-valoir d'une rupture bien consommée. Ayant alors pour compagnon Stephan Jenkins du groupe Third Eye Blind et qui devient son producteur, elle entre en conflit avec sa maison de disques A&M Records, qu'elle quittera ensuite. Par ailleurs, son single “White Houses” fait l'objet d'un malentendu, une de ses strophes ayant été interprétée comme apologie de la masturbation -ce que la chanteuse a farouchement nié- et choqué, on se doute, les médias de l'Amérique puritaine. Harmonium, album plus sombre que le premier, ne compte même pas 200.000 copies vendues, en comparaison avec les 3,5 millions de Be Not Nobody.

Vanessa Carlton est amoureuse du groupe Fleetwood Mac, et cela se ressent autant dans son envie de convier Lindsay Buckingham pour quelques parties de guitare acoustique à l'occasion de l'enregistrement de “White Houses” en 2004, que dans celle de faire figurer sa grande amie Stevie Nicks en contrepoint vocal sur ce qui est présenté comme son nouveau single, “The One” en 2007. Le troisième album, nommé Heroes & Thieves, arrive dans les bacs de manière confidentielle (avec, comme en France, l'étiquette “Import US”), alors que la chanteuse affine encore davantage son univers, néanmoins toujours placé sous l'emblème “piano-pop” qui l'a faite connaître et dont elle est reine. Bon an mal an, elle aura grimpé les échelons de qualité jusqu'à ce quatrième opus, Rabbits on the Run, presque dix ans après ses débuts (nous sommes en 2011), créant un effet de proportionnalité inverse à celui de sa courbe de popularité. Si Be Not Nobody, favorisé par une major, était l'une des grosses ventes internationales de 2002, Rabbits on the Run parait sur un label indépendant et dans l'indifférence générale (en dehors des fans). J'ai dû moi-même commander cet album en import et patienter trois mois avant de le recevoir...




Vanessa Carlton est, à trente ans comme à vingt, une femme éprise de sentiments forts qui se voient modifiés par le temps et l'expérience. Son apparence extérieure change elle aussi. Mais au fond pour ses proches, tout cela ne signifie pas grand-chose, et le public qui reste fidèle à son univers créatif peut en dire autant de ce côté-là, au niveau de l'appréciation. En revanche, si dix ans ne représentent certes pas grand-chose dans une carrière, cette évidence ressort surtout à l'échelle d'artistes hyper-productifs, car pour une chanteuse au rythme de publication rendu difficile, le contraste est saisissant. Au départ elle chantait le conte de fées et l'évasion, à présent c'est plutôt l'amour impossible, la course inébranlable du temps et la mort qu'elle retranscrit jusque dans le titre de l'album, Rabbits on the Run. Elle s'inspire ici de deux livres : Brief History of Time/Une Brêve Histoire du Temps de Stephen Hawking et Watership Down/Les Garennes de Watership Down de Richard Adams. Pour donner une idée de l'ampleur de ces textes, le disque commence avec "For all you broken-hearted, lovers lost, go, find another one, 'cause you know time won't wait and you'll be late, white rabbit's on the run..." et termine avec "...And you'll carry on 'cause in the end, it's the way of all things...". Ces deux phrases se fondent respectivement dans une mélodie des plus enfantines (“Carousel”) et pour la seconde, à travers une musique appesantie dans des tons de lueurs obscurcies (“In the End”), non sans ajouter un “It will be beautiful” presque ironique sur ce dernier morceau où le spectre de la mort semble avancer pas à pas vers nous. Les trente-cinq minutes de Rabbits on the Run semblent tel un concept vouloir dépeindre les étapes d'une vie et ce qui en constitue la dynamique : les deux premières chansons évoquent l'enfance et l'adolescence ; sur le plan des vicissitudes, "Hear the Bells" et "Tall Tales for Spring" sont les phases sombres, auxquelles "London", "Fairweather Friend" et "Dear California" s'opposent comme quêtes d'évasion ; et les trois derniers morceaux, de plus en plus "lourds" de sens, représentent la lente marche vers la fin de l'existence. Il s'agit d'une analyse toute personnelle, et sans rapport direct avec la plupart des textes abordés, mais plutôt d'un point de vue musical. Sachant que le parti-pris du disque, même sombre, demeure celui d'une jeune chanteuse toujours considérée comme la reine de la piano-pop ; inutile de vous attendre à ce que sa musique épouse la violence apocalyptique selon Marduk et autres piliers du black metal.

Chaque chanson est une pépite de songwriting et de finesse avec sa particularité, aucune ne ressemble à une autre. De la ritournelle presque innocente “Carousel” aux circonvolutions en triolets tourmentés de “Tall Tales for Spring” (laissant presque imaginer l'ancienne petite danseuse Vanessa devenue ballerine aliénée), des envolées de “Fairweather Friend” à la majestueuse “London”, de l'entraînant et ensoleillé “Dear California” à la ballade folk et ample “Get Good”, il n'y a qu'un pas. L'instrumentation se résume à une section rythmique, quelques cordes loin d'être aussi léchées qu'au moment de l'influence Ron Fair il y a dix ans, un soupçon de cuivres pour le côté inédit, l'éternel piano de la belle conduisant le tout, et une interprète vocale qui n'aura jamais aussi bien maîtrisé son propos, grâce à un chant sobre, moins acidulé et forcé. La production est elle-même peaufinée, ce disque ayant été enregistré chez Peter Gabriel aux Real World Studios en Angleterre, sur une bande analogique et produit par Steve Osborne, dont Vanessa a beaucoup apprécié le travail effectué pour le groupe Doves, et qui lui a été présenté par sa grande amie, KT Tunstall. Ensemble, ils ont tenu à abandonner le formatage du CD et la “loudness war” (pour les non-musiciens, en français on appelle cela “course au volume”), afin de proposer un son chaud de vinyle et une ambiance singulièrement éthérée sur un ensemble de chansons d'une durée non moins modeste. Publié en 33 tours et en CD, cette réalisation est selon moi la meilleure de Vanessa Carlton, digne d'un travail de fileuse et auréolé d'amour pour la musique. À ranger aux côtés d'autres disques de jeunes chanteuses anglo-saxonnes qui, à peu près au même moment et quelle que soit leur empreinte, ont toutes ressenti ce besoin de sortir des sentiers battus : Katie Melua (The House, 2009), KT Tunstall (Tiger Suit, 2010 et depuis, Invisible Moon//Crescent Empire, 2013), Sara Bareilles (Once Upon Another Time, 2012)...






Par Ma'c

Par jazz le Mercredi 23 octobre 2013 à 11:51
Je ne connaissais pas cette chanteuse, sympas les écoutes ,une bonne découverte.
Fleetwood Mac un bon groupe aussi.
 

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